Le buzz de la semaine passée étant débuzzé (oui, Bertrand Cantat est remonté sur scène, il sait toujours chanter et se
bouger, il rechantera le 13 octobre à Mérignac avec ses potes de Eiffel), deuxième CD sommet-charnière des Noir Désir.
Avec Des visages des figures (2001), Noir Désir atteint un nouveau sommet
créatif. Oublié le dyptique années 90 fait de Tostaky (1992) et du 666.667 Club (1996), au son des
grosses guitares, des rythmiques qui envoient et de l’énergie brute de décoffrage. Des visages des figures prend un tournant assez radical qui en
déconcertera plus d’un. Pas moi.
Autant être clair et direct : j’ai adoré cet album, je l’adore toujours. C’est à mon goût un des meilleurs albums. Un
des meilleurs parmi quoi ? Un des meilleurs tout court.
Son ouverture avec L’enfant-roi tranche totalement avec le passé. Autant
Here it comes slowly (sur Tostaky) était pêchu et dévastateur, autant 666.667 Club (sur l’album éponyme) était riche et gras, autant L’enfant-roi est discret mais entêtant. La boucle
de guitare de Sergio s’installe tranquille dans tes oreilles pour ne plus te lâcher. Suit Le grand incendie, qui nous rappelle pour toujours que ce
CD est sorti le 10 septembre 2001, soit 24 heures avant le grand incendie new-yorkais qui a changé le monde à jamais. Le vent nous portera est une
merveille de finesse et d’intelligence textuelle, avec Manu Chao en guest-guitare. Vient un texte de Ferré, Des armes, que Cantat s’approprie et fait
sien, comme tous les titres non-noirdésiriens qu’il approche. Implacable et magnifique.
L’appartement, pesant comme un Portishead, tombe comme pour mieux rehausser
le céleste Des visages des figures, à mon sens un des plus beaux titres du groupe. Son style 1,
guitareux à souhait, fait soudain l’effet d’un retour en arrière, alors que Son style 2 nous ramène illico au Noir Désir nouveau. Avec les trois
derniers titres, A l’envers à l’endroit, Lost et Bouquet de nerfs, on croit filer tout droit vers la
résolution de ce labyrinthique et richissime opus. On croit seulement.
Le dernier morceau (qui porte bien son nom, un vrai morceau bien consistant de 25 minutes) aurait pu être à lui seul un
mini-CD. L’Europe est une plongée hallucinante dans ce que le Noir Désir nouvelle mouture sait faire de mieux : un texte incroyable, une trame
musicale vertigineuse, une collaboration avec (excusez du peu) Brigitte Fontaine.
Alors Des visages des figures album sommet, parce que Noir Désir n’a jamais
été aussi bon que sur ces 12 titres. Moi, en tout cas, je ne les jamais tant aimés. Album charnière parce que Noir Désir prend un vrai tournant artistique avec bonification au passage. Des visages des figures laisse préfigurer le Noir Désir futur : textes toujours plus poétiques, engagés, aériens et travaillés, musique élaborée faisant
la synthèse entre le rock, le trip hop et les musiques du monde.
Ce Noir Désir futur viendra ou ne viendra pas. A voir. Tous ceux qui ont connu la même excitation que moi à la première
écoute de chaque nouvel album du groupe ne peuvent que l’espérer. Et tous ceux qui ont vécu le phénomène en concert ne peuvent qu’en rêver… « On se
relève de tout même des chutes sans fond. Nous avons su monter nous avons su descendre, nous pouvons arrêter et nous pouvons reprendre... » (L’Europe, Bertrand Cantat, 2001)
Cette semaine, deux fausses vidéos : du son sur image fixe (!), dégoté sur la Toile... Régalez vos oreilles
!
Raf against the Machine