L’écriture de Erri de Luca tient du dénuement, de l’onirisme et de l’imaginaire. Avec une simplicité radicale, il s’amuse dans le roman Montedidio, à juxtaposer en permanence la réalité et le mysticisme, le vulgaire et le sacré.
Ce mysticisme latent est avant tout un hymne à la beauté pour Erri de Luca, l’ouvrier révolutionnaire, l’athée assumé.
Il développe l’idée d’une divinité laïque, Naples étant le royaume du Dieu idéal.
L’histoire se développe autour du personnage de Rafaniello, cordonnier difforme, ange dont la bosse renferme une paire d’ailes prêtes à se déployer.
A travers le narrateur, jeune homme qui s’éveille à tout, le lecteur se voit emporté par la beauté de cette fable-parabole.
Les enfants ne comprennent pas l’âge, pour eux quarante ou quatre-vingts ans sont un même désastre. Une fois, dans l’escalier, j’ai entendu Maria demander
à sa grand-mère si elle était vieille. Elle lui a répondu non, Maria a demandé si son grand-père était vieux et la grand-mère a répondu non. Alors Maria a
demandé : « Mais alors, des vieux, y en a pas ? » et elle s’est pris une gifle. Moi, je comprends les années des gens, mais celles de Rafaniello non. Son visage fait cent ans,
ses mains font quarante, ses cheveux vingt, tout roux comme des broussailles. Ses mots, je ne sais pas, il parle peu, d’une voix très fine. Il chante dans une langue étrangère, quand je balaie
son coin il me fait un sourire, ses rides et ses taches de rousseur remuent, on dirait la mer quand il pleut dessus.
Montedidio de Erri de Luca, disponible dans la collection Folio, traduit par sa fidèle collaboratrice Danièle Valin.
Elise